LA GROTTE SÉPULCRALE DES BARBILLOUX
(Saint-Aquilin. Dordogne)
ÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE
par Danilo GRÉBÉNART
Ci dessous des extraits de la publication de Danilo Grébénart au sujet des fouilles de la grotte des Barbilloux en 1965 1966.
« Dans le vallon séparant les fermes des Barbilloux et de Puymau à Saint-Aquilin se trouve une source actuellement captée, correspondant au niveau inférieur d’un réseau karstique dont deux étages fossiles sont connus. L’un, tout proche de la source, est une galerie longue d’une dizaine de mètres, large de 1m à 1,50 m. remplie d’eau en hiver l’autre, plus élevée en altitude, est une vaste salle longue de plus de 30 m et large de 15 m, dans laquelle on accède par un orifice étroit, en partie masqué par la végétation . En decembre 1950 J’avais visité cette cavité peu connue dans la région en tant que grotte mais seulement désignée par les paysans et les chasseurs comme un vaste trou de blaireaux, J’ai eu par la suite l’occasion d’y retourner à plusieurs reprises. C’est le 5 juillet 1963 qu’en examinant la base de l’éboulis, je reconnus un tesson de poterie modelée d’aspect préhistorique dans les déblais d’une galerie creusée par les renards. Après un sondage effectué en 1964, deux campagnes de fouilles se sont déroulées entre le 15 juillet et le 15 septembre 1965 et1966 »
« La grotte n’était pas fermée lorsque j’y ai pénétré pour la première fois,car le mur qui en obstruait l’entrée avait une brèche par laquelle il était possible d’entrer. Les travaux sur le terrain ont été réalisés grâce à la participation amicale de D. Chastre et J. Beyney durant toute la campagne de 1965, ainsi que de S,Avrilleau, J.-P. Bitard, J.-CL, Moissat et M. de Sauvage à qui j’adresse mes remerciements. Je remercie également M. Bodeau, de La Croze, à Léguillac de Lauche, propriétaire du terrain qui m’a autorisé à effectuer ces fouilles. »…………………..
…………….« Cette faiblesse de la documentation concernant les grottes funéraires, ainsi que pour l’ensemble du Néolithique périgourdin, donne un intérêt particulier au gisement des Barbilloux qui apporte un matériel de qualité partiellement daté par le Carbone 14.
La grotte des Barbilloux a eu essentiellement un usage funéraire au cours des phases I et Il qui correspondent à des inhumations secondaires collectives. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, ossements humains et mobilier ont été jetés pêle-mêle. L’absence de connexion anatomique des os et la dispersion des tessons d’un même vase sont significatives. C’est le cas des poteries n°1 phase II et de la poterie n° 2 phase I. Lors de la première phase, il n’y a pas eu crémation sur place malgré la présence de fragments de charbons de bois, par contre, lors de la phase suivante, les restes osseux ont été brûlés dans la caverne ainsi que l’attestent une forte teneur charbonneuse du dépôt archéologique et les nombreux os calcinés. La grotte a ainsi joué le rôle d’un ossuaire. Lors de la phase I on a aussitôt recouvert les ossements et les offrandes mobilières qui les accompagnaient après les avoir jetés sur le tas de pierres amoncelées dans la grotte. Cette terre qui constitue la couche 1 ne contenait ni objet ni ossement mais seulement quelques charbons de bois . On ne connaîtra jamais l’emplacement des sépultures primaires. Peut-être s’agit-il de dolmens il en existe encore aux alentours ( dolmen de PeyreBrune) . Ceux-ci ont pu être vidés pour être réutilisés et leur contenu, ossements et offrandes, déposés dans l’ossuaire de la grotte, aussi peut-on se demander si les différents objets sont vraiment contemporains. Le Carbone 14 donne l’age des charbons de bois, c’est-à-dire la date de la crémation, mais nullement celle des objets qui se trouvaient dans le brasier. Les différentes poteries contenues dans chacune des deux phases des Barbilloux peuvent donc avoir un Age beaucoup plus ancien que celui des charbons datés et ne plus avoir été en usage au moment où elles furent placées dans la grotte. Les datations de la céramique par thermoluminescence et celles des ossements par le collagène qu’ils contiennent recompléteraient la date obtenue par les seuls charbons de bois, dans la mesure évidemment où les fourchettes d’imprécision de ces différentes méthodes permettraient de faire apparaître, s’il existe, un réel écart chronologique. Il est donc nécessaire de tenir compte de ces réserves avant d’étudier le mobilier et de le replacer dans le contexte de la préhistoire finale du bassin de l’Isle. Une sépulture primaire aurait évidemment présenté moins de difficultés »
« La phase I a fourni peu de mobilier, seulement deux vases , le bol à mamelon unique et la bouteille pour laquelle une influence chasséenne pourrait être retenue plus d’ailleurs par la qualité technique du vase que par sa forme. A l’exception des quatre haches polies appartenant au même type à bord équarri, l’outillage lithique est trop peu représenté pour qu’il soit pris en considération et n’est pas très caractéristique. S’il existe une contemporanéité entre les échantillons de charbons n° 5 datés de 2900 +-130 BC et l’ensemble de ce mobilier, ce dernier se placerait dans le début du III°millénaire et correspondrait au Néolithique moyen représenté par le site de Lugasson en Gironde daté, par le Carbone 14, de la même époque. »
« La phase II, constituée par les couches 2, 3 et 4, est celle qui a livré le plus grand nombre d’objets. Les fonds plats font leur apparition avec le vase nº 1 type “pot de fleurs”, aux quatre languettes horizontales de préhension, à surface rugueuse et à base légèrement débordante semblable à ceux du type de Horgen; le vase nº 2, petit gobelet grossièrement façonné évoquant beaucoup plus un vase votif qu’une céramique d’usage domestique, le vase n° 3, partiellement reconstitué, ayant l’aspect d’un bol à base légèrement aplatie . Ces trois vases sont à pâte grossière et à dégraissant végétal. Ils coexistent avec un type très différent, le vase n° 5 semblable à celui du tesson portant une grande anse à ruban dont le décor se rencontre en Charente dans le Néolithique de Peu-Richard. A ces deux catégories de poteries nettement différentes s’ajoutent des formes intermédiaires représentées par les vases nº 4 aux lèvres évasées et à la surface lustrée et le vase n° 6 partiellement reconstitué. Si le vase nº 1 à fond plat caractérise le Néolithique final, les anses à bobine peuvent rappeler le Chasséen. »
« L’outillage lithique de la phase II est assez peu caractéristique. Les pointes de flèches perçantes coexistent, dans le Chalcolithique d’Artenac, avec les pointes tranchantes mais les premières font défaut aux Barbilloux. Le lustre des tranchants de la lame en silex n’est pas particulier à une phase du Néolithique puisqu’il est présent en Périgord dés la fin du Mésolithique à Rouffignac. L’industrie osseuse représentée ici par des poinçons d’un type courant ne serait vraiment abondante qu’avec le Néolithique final ou l’on rencontre de nombreuses dents perforées. »
« La présence d’éclats de silex sans trace d’usage, à une époque ou ce matériau n’était plus utilisé, laisse penser que ces éclats furent intentionnellement débités pour être jetés très probablement à titre d’offrande, ainsi que cela a été attesté ailleurs. »
« Cette pratique confirmerait le caractère sacré que la grotte a conservé longtemps après son utilisation comme ossuaire par les hommes du Chalcolithique et expliquerait son comblement bien plus motivé par les craintes superstitieuses qu’elle suscitait que par les dangers ou les gènes matériels qu’elle pouvait présenter. »
« La datation de l’échantillon de charbon de bois nº 6 situe à la base de la couche 6 indique qu’une présence humaine s’est manifester à l’entrée de la grotte lors de la fin du Ve millénaire av. J.C. période correspondant au Néolithique ancien particulièrement mal connu en Périgord. Ce secteur, relativement étendu, n’a été atteint ni par la fouille, ni par le sondage de l’extérieur de la grotte. »
Danilo GRÉBÉNART
Pour plus de renseignements et pour découvrir l’étude archéologique complète de la fouille de Danilo GRÉBÉNART vous trouverez la publication ici